Le comité d’entreprise edf-gdf rachète andré trigano

Contrôlé par la CGT, le plus gros CE de France vient de s’offrir le premier groupe de campings en France. Une opération financière assez étonnante qui devrait être confirmée dans les prochain mois.

On le croyait mort, le voilà qui renaît. Le tourisme social n’avait donc pas dit son dernier mot. En rachetant la CIAT pour environ 60 millions d’euros, la CCAS (Caisse centrale des activités sociale des industries électriques et gazières) met la main sur le numéro un du camping en France. André Trigano non plus n’avait pas dit son dernier mot. Pas franchement en phase avec son fonds d’investissement (et les fonds d’investissements en général), le fondateur de l’entreprise fait ainsi un joli pied de nez à ceux qui ont eu la mauvaise idée de l’enterrer un peu trop vite. D’autres repreneurs avaient manifesté leur intérêt pour la compagnie : Proméo, qui détient 10,9% de l’entreprise, et Bernard Laporte, ancien ministre, ancien sélectionneur de l’Equipe de France de rugby et ancien propriétaire de terrain de camping, qui s’était porté acquéreur avec un fonds d’investissement dirigé par Stéphane Moreau, ancien directeur d’Acto, le fonds d’investissement actuel détenteur de l’entreprise. Avec un prix d’achat de 48 e par action, la CCAS a fait une offre de 10 à 20 millions d’euros supérieure à celle de Proméo : les capitalistes pouvaient donc aller se rhabiller.

La CGT rachète une entreprise cotéeCertains trouveront l’opération de rachat étonnante, et pas vraiment dans le sens de l’histoire. Il est vrai que voir la CGT, via le plus gros CE de France, racheter une entreprise cotée, c’est assez cocasse. D’autant qu’en décidant de racheter également les parts des minoritaires, elle permet à Proméo de faire une jolie plus-value. Si les syndicats professionnels se mettent à enrichir les riches… Proméo n’a d’ailleurs pas attendu longtemps pour annoncer que l’opération de rachat ayant échouée, l’acquisition de campings « un par un » pouvait reprendre. Pour la CCAS, les motivations du rachat sont claires : ne plus acheter de séjours dans le secteur marchand, mais s’approvisionner uniquement « en interne ». Les campings travaillant avec le CE d’EDF peuvent sans doute se faire du souci pour leurs allotements. La CCAS a indiqué qu’une augmentation de capital suivra à l’OPA, pour un montant de l’ordre de 20 millions d’euros. Objectif : poursuivre la modernisation des équipements engagée depuis plusieurs années.

Pas d’inquiétude mais des questions.Dans ce nouveau contexte, il y a plusieurs inconnues. La partie industrielle sera-t-elle conservée ? Compte tenu de ses besoins en hébergements, notamment toilés, la CCAS n’a pas l’intention de cesser cette activité, mais l’on peut toutefois s’inquiéter de l’évolution des produits. Pour un fabricant, dépendre d’un seul acheteur sans être confronté à la concurrence est rarement synonyme de forte créativité. Une situation qui pourrait donc favoriser le groupe Huttopia Cabanon. Quid de la nouvelle équipe dirigeante ? Alain Béral, ancien de Quick et artisan de la modernisation de l’entreprise risque d’avoir peu d’atomes crochus avec le nouvel actionnaire. Un départ avec huit mois d’indemnités de salaire (comme le prévoit son contrat en cas de rupture du fait de l’employeur) n’est donc pas à exclure. Que feront les maires des communes où Campéoles est en DSP ? Dans un premier temps, rien, puisqu’ils sont liés par contrat et que le changement d’actionnaire ne devrait pas leur permettre de les remettre en cause. Ensuite, ce sera au cas par cas, mais l’on peut imaginer que les maires UMP ne seront pas nécessairement enclins à laisser leur camping « géré par la CGT ». Quoique… Le marché des CE en sort-il modifié ? Les grands acteurs HPA attendent de voir comment la CCAS va réorienter ses achats de séjours en camping. Si l’offre disponible est supérieure à la demande interne, la CCAS peut être tentée d’appeler d’autres CE contrôlés par la CGT à la rescousse pour remplir ses campings. Mais ce ne sont là que spéculations…Jean-Baptiste Tréboul