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De l’enfer des inondations au paradis du camping d’Anduze.

Par Christian Goutorbe 09/07/2024

Le radieux soleil cévenol décline au Bel Été d’Anduze. En contrebas du camping, le Gardon d’Anduze prend une teinte bleu métal hypnotique. Dans le soir bientôt doré qui descend doucement, des familles sinistrées de la ville de Blendecques (Pas de Calais) retrouvent, pendant quelques jours, une belle raison de mettre un pied devant l’autre après avoir tout perdu dans les eaux boueuses de toutes les rivières en crue du pays de Saint-Omer, l’hiver dernier. Ils jaugent ici le pouvoir quasi magique de l’esprit de solidarité.

« Il pleuvait tellement qu’on a failli rebrousser chemin. On n’allait pas quitter notre zone inondée, sinistrée et défigurée pour partir en vacances avec des rivières en crue » s’exclame Pascaline, représentant une des trente familles accueillies  gracieusement pour une semaine en locatif par Olinda et Frédéric Amsaleg, les dirigeants « cœur sur la main » du camping le Bel Été d’Anduze, 4-étoiles de 97 emplacements à Anduze (Gard). Mais la pluie, bien vite, dans ce paradis des Cévennes, a  cédé la place au ciel bleu et au soleil pour retaper le moral, de ceux qui là-haut dans le Pas-de-Calais, ont tout perdu à partir du 6  novembre dernier, en plusieurs épisodes même. Ils ont vu disparaitre, leur maison, leur vie tranquille, leurs souvenirs. Leurs meubles. Ils ont perdu le sommeil qu’ils viennent de retrouver dans les mobil-homes de la solidarité. « Pensez  qu’une semaine de location en juillet, ici c’est 900 €. On n’aurait jamais pu se payer ça. On n’aurait jamais pu partir en vacances. C’est dire l’importance du cadeau que les gérants du camping viennent de nous consentir » reconnait Patrick, jeune retraité qui oublie tout, pour se consacrer à la vie touristique locale : la visite de Nîmes, de la Bambouseraie, l’incontournable marché nocturne d’Anduze et les soirées  festives du camping.

« Les larmes coulent quand les femmes évoquent leurs maisons, condamnées et bientôt détruites. »

« Ils sont ici des vacanciers comme les autres. Enfin presque. Parce que par moment, il y a des larmes qui coulent, surtout chez les femmes lorsqu’elles parlent de leur maison, perdue à tout jamais.  Mais on fait tout pour qu’ils soient bien, surtout grâce aux animations le soir, soirée rock avec des bikers, Bingo… »  raconte Olinda qui a orchestré une cake-party pour leur arrivée avec des gâteaux  confectionnés  par des amis du voisinage et qui ont fait fondre les chtis invités. « Pensez ! Tous ces gâteaux pour nous ! Cela nous a émus aux armes » poursuit Pascaline qui, à son retour à Blendecques,  espère les peintres dans son logis enfin nettoyé et réparé. Juste en face, à l’emplacement 54, c’est la parfaite incarnation de la  solidarité dans la solidarité. Alain et Nathalie tirés au sort ont embarqué leurs voisins depuis six ans, Marie Paule et Jean Paul. « On n’allait pas les laisser. Et puis il y a de la place pour quatre dans le mobil-home » explique Alain. Avec d’autres voisins ils ont fait voiture commune en louant un minibus.  Voisins, ils ne le seront plus. Leurs maisons de l’avenue Salengro sont condamnées. Elles seront détruites et indemnisées notamment par le fond Barnier.

Pose souvenir pour une des 30 familles invitées par Olinda (à gauche) et Frédéric (à droite), gestionnaires du camping Bel Eté d’Anduze.

Le souvenir du camping submergé en 2020

 Au camping, ils doivent aussi faire le deuil de plus de trente ans de cadre de vie de famille et se lancer dans la quête complexe d’une nouvelle maison sur les hauteurs de leur commune où 800 constructions ont été « amochées » ou détruites par la montée des eaux.  Dans les yeux de tous -près de 120 personnes invitées à cette parenthèse enchantée-, on peut lire une infinie reconnaissance,  sincère, émue, parfois sur le fil du rasoir. Comme si pour eux, ces instants-là de quiétude retrouvée étaient d’une rareté et d’une importance absolues. 

« Ici, on a retrouvé le sommeil, au moins pour quelques jours »

A la piscine, Alexandre jeune papa parle de soulagement. Cathy, la grand-mère explique qu’elle vient enfin de retrouver le sommeil ici au cœur des Cévennes. Au moins pour cette semaine. Ce chemin de croix, Frédéric et Olinda en connaissent toutes les stations et les turpitudes depuis la submersion du camping en septembre 2020 par le Gardon d’Anduze qui tangente le terrain. « Tout a été détruit, envasé, avec de l’eau jusqu’au plafond dans notre maison. Cela nous a pris dix mois pour tout retaper, reconstruire. Et puis il a fallu se battre  dans les dossiers d’indemnisations : 1 200 000  € de travaux pour 400 000  € de remboursement avec une prime d’assurance qui a été multipliée par quatre pour deux fois moins de garantie » explique Frédéric, un  sinistre qui continue de peser sur ses  comptes d’exploitation depuis cette  grande colère du Gardon.

« Alors en novembre puis les semaines suivantes quand on a vu la détresse de ces sinistrés on s’est dit qu’on pouvait faire quelque chose pour eux » poursuit Frédéric. « En construisant le planning commercial de l’été, on s’est aperçu qu’on n’avait peu de réservations pour la première semaine du mois de juillet à cause du calendrier des vacances scolaires en Belgique et en France. Et qu’on pouvait leur proposer gratuitement une trentaine de nos locatifs sur les 57  dont nous disposons.  Nous avons contacté la mairie de Blendecques, la commune la plus touchée et le tirage au sort des heureux bénéficiaires s’est imposé. » poursuit Olinda qui a déjà enregistré dans sa tête ces nouveaux  vacanciers attachants, apaisés, heureux pour quelques jours  au moins.

« Lundi soir, ils ont nous demandé de les rejoindre sur scène et ils nous ont offert un miroir encadré gravé.  Quelle émotion. Quelle récompense pour nous ! » s’exclame Frédéric qui ne regrette absolument pas leur engagement solidaire. Puisqu’ ils disent avoir reçu en humanité bien plus qu’ils estiment avoir donné.

Une fierté pour la communauté du Bel Eté

 La logique  humanitaire aurait voulu que d’autres campings dotés de locatifs disponibles début juillet emboitent le pas solidaire du Bel Été. Mais finalement, personne n’a proposé une « solution vacances  pour ces chtis sinistrés ». Et parmi les milliers de sinistrés du Pas de Calais seulement trente familles ont pu partir en vacances de cette manière mais à 800  kilomètres de chez eux. « On parle de la générosité des gens du nord mais finalement, la solidarité elle est venue du sud » explique un  des  vacanciers  d’Anduze étonné que les campings des Hauts de France n’aient jamais pensé à déverrouiller pour eux des locatifs vacants sinon pour monnayer des hébergements d’urgence pour ceux qui avaient tout perdu au pire moment de cet hiver.  Ainsi, même après l’annonce largement médiatisée de la proposition du Bel Été, pas un seul camping de la Région Nord-Pas-de-Calais n’a proposé un séjour gratuit à ces sinistrés, sauf erreur sur l’inventaire. « Quitter l’endroit où l’on galère depuis des mois pour se ressourcer, c’est très bon pour le moral et pour avancer. Pour revivre enfin » explique Frédéric qui tire un bilan ultrapositif de cette expérience : surmotivation des employés, mobilisation des  fournisseurs et surtout regain de fierté des clients  fidèles qui ont partagé à l’infini sur leurs réseaux sociaux dès le mois de mai cette  bien belle histoire.

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