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Crise sanitaire : déjà réfléchir à demain

Par La rédaction 26/03/2020

Depuis 30 ans, Patrick Goas observe les mutations sociales et les évolutions de comportement. Au cœur de la crise sanitaire que nous traversons, à la lueur des expériences passées, et en se projetant déjà dans l’après crise, il nous propose son analyse des événements et quelques réflexions sur l’avenir du tourisme.

Depuis 30 ans, Patrick Goas observe les mutations sociales et les évolutions de comportement. Au cœur de la crise sanitaire que nous traversons, à la lueur des expériences passées, et en se projetant déjà dans l’après crise, il nous propose son analyse des événements et quelques réflexions sur l’avenir du tourisme.

Une règle d’or : toute crise génère des changements de comportements. Les grèves de transport de cet hiver ont amené les gens à réfléchir sur leur mode de déplacement pour parfois le faire évoluer : redécouverte des vertus de la marche à pied, convivialité du co-voiturage, praticité du vélo. Si pour certains les habitudes reviennent vite, d’autres ne se déplacent plus comme avant.

Avec le coronavirus, c’est la population mondiale qui est concernée avec de forts gisements de clientèles comme les chinois, les américains et les européens qui fatalement vont voyager et consommer le tourisme différemment.

Les changements de comportements seront d’autant plus prégnants que les crises s’empilent : crise environnementale avec des effets visibles, crise sociale et maintenant crise sanitaire. La prise de conscience que l’on ne vivra plus comme avant se fera plus forte, sans savoir vraiment de quoi sera fait le lendemain puisqu’aucune vision « politique » ne fait consensus, s’il en existe une.

Si un amalgame se fait dans l’inconscient collectif entre la crise sanitaire et la crise environnementale, ce qui est probable, il y aura un effet d’accélération dans les évolutions des comportements et donc des attentes touristiques.

Ce qui est certain, c’est que les populations auront toujours besoin de moments de « loisir», de rupture avec un quotidien dont la vision se dégrade. Encore plus qu’avant, le tourisme devra être agile pour répondre à ces attentes et inventer un ailleurs.

 Quelle acceptation du risque sanitaire ?

 Parce que la certitude que nous vivions jusqu’à présent dans nos sociétés occidentales dans un monde au risque vital quasi inexistant est aujourd’hui bousculée, des questions sur notre modèle de civilisation vont se poser. Certains risques sont acceptés comme la voiture (3 000 morts par an) l’alcool (23 000) le tabac (73 000), pollution de l’air (48 000).

 L’acceptabilité future de ce risque sanitaire est donc une vraie question. S’il est accepté, les habitudes ne changeront peut être qu’à la marge. S’il ne l’est pas on pourra voir s’accélérer de nouvelles attentes déjà identifiées comme la recherche de destinations moins denses en fréquentations, moins de voyages à l’étranger, moins de tourisme concentré, plus de vacances ou de loisir de proximité.

A l’extrême, par rapport au dernier point, les modèles dont le business est basé uniquement sur la vente de nuitées peuvent être bousculés. Ce n’est pas pour demain, mais il va falloir être attentif.

 Le spectre de la guerre des prix.

 Les compagnies aériennes, les croisiéristes, les hôtels, les commerces vivant du tourisme sur les destinations de masse…vont souffrir. Quelle sera leur stratégie de reconquête ? Le risque pourrait être une guerre des prix pour « relancer la machine », ce qui tirerait toute la profession vers le bas avec une concurrence très vive. Certains en ont les moyens et ils sont puissants.

Une guerre des prix associée à une crainte de l’avenir devrait accélérer le phénomène de réservation de dernière minute. Attention aux trésoreries !

Les campings 4 et 5 étoiles « club » qui vendent peu ou prou la même chose (espace aquatique, mobile-home et quartier premium, services…) vont rentrer en zone de risque. Vendre « autre chose » va devenir une question de survie pour beaucoup. Mais vendre autre chose ira plus loin que remplacer des mobile-homes blancs par des mobile-homes en bois. Ce constat est aussi valable pour les hôtels club et villages-vacances. Il faudra aller plus loin que customiser l’accueil.

 On fait quoi demain, quand tout ça sera fini ?

 Après un confinement de plusieurs semaines, soit une expérience quasi carcérale, forcément des questions « philosophiques » vont se poser chez les personnes et dans les familles du type : quel sens je donne à ma vie demain. Les récits de personnes ayant vécu la prison convergent vers le même constat : un changement profond dans le rapport à la vie que l’on mène.

 Le journal Le Monde a observé les recherches sur Google Trend au début de la crise, qui sont un bon observatoire de nos questionnements et angoisses. Il y a eu une montée en puissance de questions sur la cuisine facile, l’occupation des enfants, la contraception… Presque des questions de survie pour un couple bloqué dans son appartement urbain avec ses enfants et habitué à se faire livrer ses repas, à mettre ses enfants à l’école et à avoir une nounou. L’arrêt est brutal et forcément à un moment la question se pose : on fait quoi demain quand tout ça sera fini ?  Il est aujourd’hui trop tôt pour évaluer les changements en profondeur que pourrait opérer cette expérience du confinement. Mais nul doute qu’elle aura des conséquences de fond.

 Au final, Il y a ceux qui vont se dire, quitte à mourir demain, autant se lâcher et en profiter.  Et puis il y a ceux qui se diront que finalement on peut vivre autrement et qui vont chercher autre chose. Il faudra aussi savoir proposer cet « autre chose ». Pour les professionnels du tourisme, la question est de savoir la proportion entre ceux qui feront comme avant et ceux qui modifieront en profondeur leur vision de l’avenir.  A ceux-là il faudra savoir répondre à une recherche de valeurs refuges comme l’authenticité, la famille, l’écologie, l’espace… Le tourisme « réparateur » devrait aussi profiter de cette vague et monter en puissance

 Les professionnels doivent prendre du recul

 L’activité s’arrête, c’est le moment de réfléchir à son exploitation. Sur lune page Facebook récemment créée, « Les insolites du camping », on voit que certains propriétaires de camping, pour la première fois, testent les équipements et les logements qu’ils proposent à leurs clients. Si la profession profite de ce moment pour penser client, alors l’hôtellerie de plein air évoluera. Et ceux qui prendront du recul gagnerons demain.

 L’être humain a une faculté à oublier le négatif. Question de survie de notre espèce. Et puis quand on a vécu pendant des années dans une certaine opulence, difficile d’opérer un retour en arrière brutal. En synthèse de cet article, voici ce que nous pensons être quelques points à surveiller qui doivent nourrir votre réflexion pour l’avenir:  

  • Une concurrence exacerbée et une guerre des prix qui va obliger à sortir du modèle unique
  • Accélération de la réservation de dernière minute : une consommation d’opportunité
  • Un glissement possible d’un « partir en vacances » vers une « consommation de loisir de proximité »
  • Une clientèle étrangère qui peut se raréfier
  • Des déplacements internationaux lointains en diminution
  • Un reflux possible des destinations de masse à forte densité de fréquentation
  • Une recherche de valeur refuge, de produits touristiques porteurs de sens
  • Un tourisme « réparateur » à développer

 Certains phénomènes étaient déjà connus, ils risquent de s’accélérer, même si on ne connait pas encore la puissance de cette accélération. La difficulté sera sur les grosses exploitations dont il sera complexe de faire évoluer le modèle pour éviter de rentrer dans une guerre des prix mortifère.

 

PATRICK GOAS-crop

Patrick Goas est designer d’expérience à La Fabrique à Souvenir agence de conseil touristique spécialisée dans l’expérience client et l’accompagnement du changement. 

 

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