Trop jeune dans la profession, je dois rembourser des aides d’Etat
A peine avaient-ils acheté leur camping en novembre 2019 que Stéphane et Clara Lallier ont subi comme tout le monde la crise sanitaire. Après une première saison marquée par une baisse de 30 % de leur chiffre d’ affaires, l’administration leur demande de rembourser les aides d’Etat qu’ils ont perçues dans le cadre du plan de soutien aux entreprises. Une double peine incompréhensible pour ce couple qui dénonce une absurdité administrative.
A peine avaient-ils acheté leur camping en novembre 2019 que Stéphane et Clara Lallier ont subi comme tout le monde la crise sanitaire. Après une première saison marquée par une baisse de 30 % de leur chiffre d’ affaires, l’administration leur demande de rembourser les aides d’Etat qu’ils ont perçues dans le cadre du plan de soutien aux entreprises. Une double peine incompréhensible pour ce couple qui dénonce une absurdité administrative.
Combien sont-ils ces professionnels qui ont créé ou repris qui un restaurant, qui un hôtel, qui un camping, juste avant la crise sanitaire ? Et qui voient certaines aides financières leur passer sous le nez, parce qu’ils ont repris une affaire au mauvais moment, ne pouvant pas justifier d’un chiffre d’affaires 2019 pour en bénéficier…
Cette situation, c’est justement celle de Stéphane et Clara Lallier, lesquels ont repris le camping Beau Rivage (3 étoiles, 70 emplacements dont 54 nus et 16 locatifs) à Navarrenx dans les Pyrénées-Atlantiques, après avoir passé plus d’une vingtaine d’années dans l’univers bancaire. « J’accompagnais des chefs d’entreprise », confie Stéphane dont le dernier poste était situé au Luxembourg. Ironie du sort, c’est aujourd’hui en qualité de jeune entrepreneur qu’il demande de l’aide. Ou tout du moins qu’on lui laisse bénéficier du fonds de solidarité destiné aux petites entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques du Covid-19. Ni plus, ni moins.
Tout avait pourtant bien commencé. Soucieux de se reconvertir dans l’entreprenariat conjuguant la vie de famille, la nature et les relations humaines, c’est presque tout naturellement que Stéphane et Clara optent pour la reprise d’un camping. Activité dont ils ne connaissaient rien. « Nous avons visité une quinzaine d’établissements pendant un an avant de découvrir le Beau Rivage à Navarrenx en janvier 2019 ». C’est le coup de cœur. Ils signent le compromis de vente en mai de la même année. « Avant même la signature définitive, en plein été 2019, j’ai démissionné et nous avons vendu notre maison pour venir nous installer non loin du camping ». La signature définitive aura lieu quelques mois plus tard, en novembre 2019. « Auparavant, pendant deux mois, nos prédécesseurs nous ont mis le pied à l’étrier pour préparer la saison, resigner les contrats, etc. » L’objectif étant d’atteindre un chiffre d’affaires de 250 000 € HT dès 2020 contre 218 000 € HT réalisés en 2019 par les prédécesseurs…
Injustice pour les plus fragiles
Crise sanitaire oblige, la saison 2020 ne se déroule pas comme prévu. « Les anciens propriétaires, d’origine britannique, avaient une clientèle très majoritairement anglaise. Inutile de dire qu’elle n’est pas venue », précise Stéphane qui enregistre une baisse de 90 % des Anglais et de 70 % sur la partie emplacement nu. « Heureusement, le CA des chalets a grimpé de 17 % ». Au final, le camping enregistre un CA 2020 en baisse de 30 %. Soit un manque de 65 000 €. « Cette somme est importante puisqu’elle représente à peu près ce que je dois rembourser tous les ans à la banque pour payer le camping ». Heureusement, dès avril 2020, Stéphane et Clara ont réagi vite pour refaire un plan de trésorerie qui a été accepté par la banque. « J’ai réussi à décaler d’un an mon premier remboursement qui devait commencer en décembre 2020. J’ai également obtenu quelques exonérations de charges de la part de l’Urssaf. Parallèlement j’ai demandé un PGE, mais on m’a fait comprendre oralement que j’étais nouveau, sans ancienneté, et que cela allait être compliqué. Je n’ai pas insisté, il n’y avait pas d’urgence pour moi. »
En ce qui concerne le fonds de solidarité, le couple demande de pouvoir en bénéficier pour les mois de mars, avril et mai 2020. « Je pouvais me référer à mon CA réalisé en décembre 2019, janvier et février 2020, lequel est nul puisque le camping était fermé. Mais par le biais de mon activité de gardiennage de caravanes, j’avais réalisé au cours de ces trois mois un CA de 9 000 €, ce qui m’a permis de bénéficier de 1 500 € x 3 mois au titre du fonds de solidarité, soit 4 500 € ». Une bonne nouvelle avant de rééditer la demande après la saison 2020. « En me basant sur le CA réalisé par mes prédécesseurs en 2019, j’obtiens deux fois 10 000 € correspondant aux mois d’octobre et novembre, en revanche, la Direction Générale des Finances Publiques (DGFIP) me refuse ce versement pour décembre.
Dans la foulée, j’ai un contrôle des Impôts qui veulent que je justifie les aides obtenues qui s’élèvent donc à un montant total de 24 500 €. Voyant que je me suis référé aux CA de mes prédécesseurs un an plus tôt et du fait qu’à l’époque, ce n’était pas mon entreprise, la DGFIP m’a demandé de rembourser plus de 18 000 € », s’insurge Stéphane. «On m’empêche de me comparer à 2019 alors qu’en reprenant le camping, j’ai acheté un fonds de commerce avec sa clientèle, ses hébergements et l’ensemble des actifs. Je rachète tout le passé. Il me semble être largement dans mon droit de pouvoir bénéficier du fonds de solidarité qui, je le rappelle, a pour but de soutenir les entreprises en difficulté économique suite aux mesures pour lutter contre la propagation de la pandémie. » Et d’ajouter : «Le fait que l’on me demande de rembourser 18 000 € et que l’on m’empêche de bénéficier de ce fonds pour les mois suivants est injuste. »
Les élus sollicités
Pour Stéphane Lallier, il y a là un dysfonctionnement qui pénalise les plus fragiles. « Je me suis lourdement endetté pour racheter le camping et je n’ai pas le droit à cette aide alors que mes prédécesseurs qui n’étaient plus endettés, auraient pu en bénéficier. Et si j’avais racheté les titres de la société et non le fonds de commerce, j’aurais également pu en bénéficier. Ce n’est pas cohérent ! », explique Stéphane qui aujourd’hui consacre plus de temps à s’occuper de ce dysfonctionnement administratif que de son camping. « C’est la double peine, d’autant que tout le monde est d’accord avec moi, y compris les services des impôts qui reconnaissent que ce n’est pas normal. D’ailleurs, pour janvier 2021, j’ai même pu bénéficier de 10 000 € car les règles ont changé juste pour ce mois-ci. Pour l’obtenir, on pouvait se référer au CA mensuel moyen réalisé entre juillet et octobre 2020. Mais ce mode de calcul n’a duré qu’un mois… ».
Depuis, le couple Lallier a sollicité le syndicat HPA des Pyrénées-Atlantiques qui a remonté le dossier auprès du député Jean-Paul Mattéi et se démène pour tout débloquer. « J’ai également contacté la maire de Navarrenx qui a transmis mon dossier au député David Habib, lequel s’est rapproché de Mattéi. Le président de l’ADT, Jacques Pédehontaà, a lui aussi été informé tandis que grâce à la CCI, le médiateur des entreprises a été saisi de mon affaire. Tout le monde est d’accord pour dire qu’il y a « un trou dans la raquette ». Nous sommes sans doute des milliers à nous retrouver dans cette situation », résume Stéphane Lallier.
En attendant, Stéphane et Clara restent optimistes et ne regrettent pas leur reconversion. « Je suis en train de travailler sur le dossier PGE Saison. J’espère que je serai dans les cases. Si je l’obtiens, il me permettra de financer des locatifs que j’avais envisagé d’acheter dans mon prévisionnel initial pour avoir un meilleur rapport emplacements nus/locatifs pour 2022. » D’ici là, le couple espère que leur affaire sera réglée et qu’elle sera devenue un mauvais souvenir. Pour mieux se consacrer à leurs campeurs et au camping et profiter sereinement de cette reconversion en famille.