Travailler avec des entreprises étrangères

Par Martine Barbier-Gourves 22/12/2015

Il est courant, dans l’hôtellerie de plein air, de recourir aux services d’un prestataire-employeur établi hors de France qui sera donc amené à détacher temporairement un ou plusieurs salariés sur le territoire national. Pour limiter des abus à l’origine d’une concurrence sociale déloyale (« dumping social »), le législateur a renforcé les mesures de contrôle concernant le recours au détachement de salariés d’un employeur établi hors de France et la responsabilité du maître d’ouvrage et donneur d’ordre. Deux textes majeurs sont parus sur ces questions : la Loi n°2014-790 du 10 juillet 2014 visant à lutter contre la concurrence sociale déloyale ;la Loi n°2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques.

Il est courant, dans l’hôtellerie de plein air, de recourir aux services d’un prestataire-employeur établi hors de France qui sera donc amené à détacher temporairement un ou plusieurs salariés sur le territoire national. Pour limiter des abus à l’origine d’une concurrence sociale déloyale (« dumping social »), le législateur a renforcé les mesures de contrôle concernant le recours au détachement de salariés d’un employeur établi hors de France et la responsabilité du maître d’ouvrage et donneur d’ordre. Deux textes majeurs sont parus sur ces questions : la Loi n°2014-790 du 10 juillet 2014 visant à lutter contre la concurrence sociale déloyale ;la Loi n°2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques.

Qu’est-ce qu’un détachement temporaire en France?

C’est une situation temporaire de travail, dans laquelle se trouve un salarié lié par un contrat de travail avec un employeur établi à l’étranger, et envoyé en mission sur le territoire français pour le compte de cet employeur. Pour qu’il y ait juridiquement détachement, il faut que la relation de travail entre le salarié et l’employeur établi hors de France subsiste pendant la période de détachement(article L. 1261-1 du Code du travail).Cela suppose donc, qu’une fois la mission achevée, le salarié reprenne son activité au sein de son entreprise d’origine.

A noter: l’entreprise située à l’étranger doit avoir une activité significative dans son pays d’origine.

Quelles sont les activités concernées ?

Les activités pouvant donner lieu à détachement temporaire de salariés en France sont nombreuses, telles que :

  • Exécution d’une prestation de services : activité industrielle, commerciale, artisanale, libérale ou agricole, réalisée dans le cadre d’un contrat conclu avec un prestataire (exemple : contrat de prestations d’animations…).
  • Mobilité intergroupe : mise à disposition à but non-lucratif de personnel entre entreprises d’un même groupe pour une mission ou une formation.
  • Mise à disposition d’intérimaires : une entreprise de travail temporaire (intérim) établie à l’étranger peut détacher des salariés auprès d’une entreprise utilisatrice en France, pour des missions ponctuelles.
  • Opération pour son propre compte (auto-prestation) : une entreprise établie à l’étranger, propriétaire d’un établissement en France, peut y détacher temporairement ses salariés pour des missions ponctuelles.

les obligations de l’employeur étranger, qui détache des salariés en France

Pour une entreprise établie à l’ Etranger qui détache ses employés en France, un certain nombre d’obligations sont à respecter, liées notamment au droit du travail en France.

Le respect du droit français

De manière générale, rappelons que l’employeur doit respecter,pendant la durée du détachement de ses salariés en France, les règles françaises : Code du travail, lois et règlements, conventions collectives, etc., en matière de rémunération, d’égalité professionnelle, de durée de travail, de conditions de travail… (article L. 1262-4 du Code du travail).En revanche, ne sont pas applicables aux salariés détachés, les dispositions du droit du travail français relatives à la conclusion et à la rupture du contrat de travail, la formation, la prévoyance. C’est le droit du pays d’origine des salariés détachés qui s’applique. De plus, les employeurs établis hors Union européenne doivent obtenir une autorisation de travail pour les salariés détachés pour la durée de la période d’activité en France.

A noter :le salarié détaché restant sous contrat avec son employeur établi à l’étranger, c’est ce dernier qui lui verse sa rémunération, lui donne les directives à suivre… Il n’y a pas de lien contractuel avec l’établissement français qui l’accueille dans le cadre de la mission.

Les nouvelles obligations de l’entreprise étrangère

A ces obligations générales, s’ajoutent désormaisde nouvelles formalités préalables obligatoires :

  • Une déclaration de détachement  doit êtreeffectuée par l’employeur établi à l’étranger qui détache des salariés en France et adressée à l’Unité territoriale du lieu où débute la prestation.La dématérialisation de cette déclaration devient obligatoire par la loi du 6 août 2015(décret en attente)et sera applicable dès 2016. Le contenu de cette déclaration porte, d’une part, sur l’entreprise située hors de France (forme juridique, n° d’immatriculation, activité principale, état civil des dirigeants, organismes de recouvrement des cotisations sociales…),et, d’autre part, sur les salariés détachés et leurs conditions de travail.
  • La désignation d’un représentant en France,chargé de la liaisonavec l’inspection du travail, les officiers de police et de gendarmerie, les agents des impôts et des douanes, pendant la durée de la prestation. Ce représentant a l’obligationde conserver et de mettre à la disposition de l’inspecteur, les documents prouvant la conformité du détachement des salariés (paiement effectif des salaires, relevé des heures de travail, copie de la désignation du représentant, contrats de travail, attestation de fourniture des déclarations sociales et paiement des cotisations sociales…).Ajoutons que le prestataire qui méconnaîtra cette obligation de présentation des documents ci-dessus encourt des sanctions(amende administrative, suspension temporaire de la réalisation de la prestation).

A noter : la déclaration comme la désignation doivent être établiesen langue française avant le début du détachement(ou de la mise à disposition pour une entreprise de travail temporaire).

Les obligations de l’entreprise d’accueil en France

L’entreprise qui accueille les salariés détachés est, elle aussi soumise à un certain nombre d’obligations.   

  1. Une obligation de vérification préalable

Le donneur d’ordre, ou le maître d’ouvrage, qui contracte avec un employeur établi à l’étranger détachant des salariés en France, doit vérifier auprès de ce dernier, avant le début du détachement, qu’il s’est bien acquitté de ses obligations de déclaration et de désignation.

Pour ce faire, il doit demander à l’employeur établi à l’étranger, avant le début de chaque détachement d’un ou plusieurs salariés, les documents suivants :

  • la copie de la déclaration de détachement,
  • la copie du document désignant le représentant en France.

Cette obligation de vérification est considérée comme respectée dès lors que le maître d’ouvrage ou le donneur d’ordre est en possession de ces documents. A défaut, des sanctions sont prévues (voir ci-dessous).

A noter :la loi du 6 août 2015impose au donneur d’ordre, à défaut de s’être fait remettre la déclaration de détachement, d’adresser à l’inspecteur du travail, dans les 48 heures suivant le début du détachement, une déclaration spécifique. Une amende administrative est encourue en cas de non-respect, mais seulement si le prestataire n’a lui-même pas réalisé la déclaration de détachement. Le contenu de cette déclaration spécifique sera fixé par décret(en attente de parution).

Une obligation d’information sur le recours au détachement

L’entreprise d’accueil en France doit annexer les copies des déclarations préalables de détachement à son registre unique du personnel. Ce registre doit rester à la disposition des inspecteurs du travail.

A noter : pour les entreprises d’au moins 300 salariés tenues d’établir un bilan social, elles doivent indiquer le nombre de salariés détachés hors de France et le nombre de travailleurs détachés accueillis.

Etendue de la responsabilité de l’entreprise d’accueil en France

La responsabilité de l’entreprise d’accueil en France est considérablement accrue par les textes, le donneur d’ordre ou le maître d’ouvrage ayant une véritable obligation de vigilance à l’égard de son cocontractant établi à l’étranger et détachant du personnel en vue de la réalisation de la prestation commandée.

  1. Responsabilité du donneur d’ordre en cas de non-paiement du salaire par l’entreprise établie à l’étranger

Dans cette hypothèse, la loi exige du donneur d’ordre les actions suivantes : 

  • 1re étape : enjoindre par écrit l’entreprise établie hors de France de faire cesser la situation

S’il est informé par écrit par un agent de contrôle, du non-paiement du salaire minimum légal(Smic) ou conventionnel dû au salarié, le maître d’ouvrage ou donneur d’ordre doit enjoindre par écrit  son co-contractant ou son sous-traitant direct ou indirect de faire cesser sans délai cette situation.

Le co-contractant ou le sous-traitant concerné dispose alors, à compter du jour de la réception de l’injonction, d’un délai de sept jours pour informer, par écrit, le maître d’ouvrage ou donneur d’ordre des mesures prises pour remédier à cette situation. 

  • 2e étape : informer l’agent de contrôle des suites de l’injonction

    Le maître d’ouvrage transmet ensuite l’information reçue sur les mesures prises à l’agent de contrôle.

    Si le co-contractant ou le sous-traitant ne répond pas à l’expiration du délai de sept jours, le maître d’ouvrage ou le donneur d’ordre doit prévenir l’agent de contrôle.

    Nota : en cas de manquements à ces obligations, le maître d’ouvrage ou donneur d’ordre est tenu solidairement avec l’employeur du salarié du paiement des rémunérations, indemnités et charges dues, sauf s’il dénonce le contrat de prestations de services.

  1. Responsabilité du donneur d’ordre en cas d’hébergements indignes des salariés détachés

Le maître d’ouvrage ou le donneur d’ordre a également une obligation de vigilance concernant les conditions d’hébergements des salariés du prestataire qui seraient incompatibles avec la dignité humaine. C’est l’agent de contrôle qui apprécie la vétusté manifeste des locaux ou des installations d’hébergements collectifs.

Le donneur d’ordre ou maître d’ouvrage, informé de cette situation par un agent de contrôle, doit :

  • 1re étape : enjoindre immédiatement par écrit son co-contractant en vue de faire cesser sans délai cette situation.

Le co-contractant dispose de24 heures pour informer le donneur d’ordre ou le maître d’ouvrage des mesures prises pour faire cesser la situation.  

  • 2e étape : transmettre dès réception la réponse du co-contractant à l’agent de contrôle, ou l’informer de l’absence de réponse, à l’expiration du délai.   

Nota : dans le cas où l’infraction se poursuit, le donneur d’ordre est tenu de prendre sans délai à sa charge l’hébergement collectif des salariés dans des locaux aménagés conformes au Code du travail.

  Responsabilité du donneur d’ordre en cas de non-respect de la législation du travail commis par le prestataire

Dans le cas où un sous-traitant ne respecte pas la législation sur le travail(le socle des droits fondamentaux des salariés),le maître d’ouvrage ou donneur d’ordre informé par un agent de contrôle, doit :

  • 1re étape : enjoindre par écrit, dans les 24 heures à compter de son information, au sous-traitant de faire cesser immédiatement cette situation.

Le sous-traitant dispose ensuite de quinze jours pour indiquer par écrit au donneur d’ordre les mesures prises pour faire cesser la situation.

  • 2e étape : transmettre une copie de cette réponse à l’agent de contrôle, ou lui signaler, dans les deux jours suivant l’expiration du délai de quinze jours, l’absence de réponse écrite.

Nota : à défaut de respecter ces étapes, le maître d’ouvrage ou donneur d’ordre encourt des sanctions pénales.

Des sanctions prévues…

En cas de non-respect des obligations de vigilance un arsenal de sanctions est prévu par le législateur.

En cas de manquements aux obligations de vigilance, l’employeur établi à l’étranger et le donneur d’ordre ou maître d’ouvrage, sont passiblesd’une amende administrative de 2 000 € par salarié détaché (ou 4 000 € en cas de récidive) pour un montant total plafonné à 500 000 €. En outre, en cas de manquements graves de l’employeur établi à l’étranger aux droits fondamentaux des salariés qu’il détache en France, la loi du 6 août 2015 prévoit la suspension temporaire de la prestation de services, pour une durée maximale d’un mois. 

IMPORTANT : pour lutter contre le travail dissimulé, il est prévu que le donneur d’ordre ou maître d’ouvrage s’assure, lors de la conclusion d’un contrat de sous-traitance ou de prestations de services, que son co-contractant s’acquitte des diverses obligations sociales et fiscales. Cet aspect important, complémentaire à celui que vous venons d’étudier,  fera l’objet d’un prochain article

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