Santé au travail : Les évolutions du Document unique
Au centre de la loi du 2 aout 2021 relative à la santé au travail Le Document Unique d’Evaluation et de Prévention des risques professionnels (DUEPRP) évolue et modifie les obligations de l’ employeur. Des détails à prendre en compte. Par Martine Barbier, Docteure en droit, Directrice Formation-Social PartenairesConsulting
Au centre de la loi du 2 aout 2021 relative à la santé au travail Le Document Unique d’Evaluation et de Prévention des risques professionnels (DUEPRP) évolue et modifie les obligations de l’ employeur. Des détails à prendre en compte. Par Martine Barbier, Docteure en droit, Directrice Formation-Social PartenairesConsulting
Sommaire
Introduction
Vingt ans après la mise en place obligatoire du DUEPRP dans chaque entreprise, une réforme portée par la loi du 2 aout 2021 relative à la prévention en santé au travail renforce notamment les obligations de l’employeur concernant l’élaboration, le contenu et la conservation du DUEPRP.
Ces nouvelles dispositions, largement reprises de l’ANI du 10/12/2020, sont entrées en vigueur le 31 mars 2022.
Un petit retour en arrière s’impose pour rappeler, que c’est un décret du 5/11/2001 venant retranscrire une Directive de l’UE du 12/6/89, qui avait prévu l’obligation pour l’employeur, quel que soit l’effectif de son entreprise, de créer et de conserver un document unique reprenant les résultats de l’évaluation des risques professionnels à laquelle il a procédé.
Désormais, le texte de référence de cette obligation, recadrée et confortée par la loi du 2/08/2021, n’est donc plus l’article R.4121-1 du code du travail, mais l’article L.4121-3-1 de ce même code.
A travers ce dossier exclusivement consacré au document unique (la loi du 2/08/2021 aborde bien d’autres thèmes), nous allons explorer en en dégageant quelques tendances.
Le nouvel article L.4121-3-1 du code du travail rappelle que le DUEPRP répertorie l’ensemble des risques professionnels auxquels sont exposés les travailleurs et assure la traçabilité collective de ces expositions. L’employeur transcrit et met à jour dans le document unique les résultats de l’évaluation des risques pour la santé et la sécurité des travailleurs à laquelle il procède en application de l’article L.2121-3 du code du travail.
1. Comment transcrire l’évaluation des risques professionnel dans le DUEPRP ?
La loi du 2/08/2021 insiste sur le principe d’une contribution collective à l’évaluation des risques. Pour ce faire, l’article L.4121-3 du code du travail définit les différents acteurs qui sont amenés à apporter leur contribution à l’évaluation des risques professionnels dans l’entreprise :
1) Tout d’abord, dans le cadre du dialogue social dans l’entreprise, le Comité social et économique (CSE) et sa commission santé, sécurité et conditions de travail, s’ils existent dans l’entreprise. Le rôle du CSE et de sa commission concerne essentiellement les entreprises de 50 salariés et plus dotées d’un CSE. L’information et la consultation du CSE, obligatoire dans de telles entreprises, porte non seulement sur l’analyse des risques professionnels et sur le contenu du document unique, mais également sur ses mises à jour.
Notons que l’absence d’avis, de vœux, de contributions du CSE ne dispense pas l’employeur de son obligation d’élaboration et mise à jour du DUEPRP.
2) Ensuite, s’il y a lieu, le ou les salariés désignés comme référent(s) en prévention santé sécurité au titre de l’article L.4644-1 du code du travail. Toutefois, rappelons, que si les compétences dans l’entreprise ne permettent pas de désigner un tel salarié, l’employeur peut faire appel, après avis du CSE, lorsqu’il existe, aux intervenants en prévention des risques professionnels appartenant au service de prévention et de santé au travail interentreprises auquel il adhère ou dûment enregistrés auprès de l’autorité administrative disposant de compétences dans le domaine de la prévention des risques professionnels et de l’amélioration des conditions de travail. L’employeur peut aussi faire appel aux services de prévention des caisses de sécurité sociale avec l’appui de l’Institut national de recherche et de sécurité (INRS) dans le cadre des programmes de prévention, ou encore à l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail et son réseau.
Rien n’interdit non plus de solliciter également, les salariés eux-mêmes concernés par leurs conditions de travail et la protection de leur santé au travail.
3) Enfin, comme par le passé, le service de prévention et de santé au travail (SPST) auquel l’employeur adhère, participe non seulement à l’évaluation et la prévention des risques professionnels dans l’entreprise, mais se voit également communiqué les mises à jour du DUEPRP.
Point important, l’intervention de ces différents acteurs dans le cadre de l’évaluation des risques n’est pas de nature à amoindrir la responsabilité de l’employeur. Il reste le seul acteur dont la responsabilité peut être engagée en cas d’atteinte à la santé physique et morale des salariés et pour non-respect des dispositions relatives au DUEPRP.
Nota : Cette nouvelle rédaction concernant la contribution collective à l’évaluation des risques professionnelle n’apporte en fait que peu de changements par rapport au dispositif antérieur. En effet, précédemment aussi, le document unique était l’occasion de regrouper les compétences des représentants élus du personnel, des salariés et de la médecine du travail, en lien éventuellement avec les inspecteurs de la Carsat, l’INRS,….
2. Comment consigner les résultats de l’évaluation et mettre en œuvre les actions de prévention ?
Le contenu du DUEPRP est renforcé par la loi du 2/08/2021, car l’idée principale de la réforme est de faire du DUEPRP un véritable outil de prévention. La loi du 2 aout 2021 distingue à cet effet les entreprises d’au moins 50 salariés et celles qui ont un effectif inférieur, pour leur imposer des obligations différenciées :
1) Pour les entreprises d’au moins 50 salariés :
Aux termes du nouvel article L.4121-3-1 du code du travail, le DUEPRP répertorie l’ensemble des risques professionnels auxquels sont exposés les salariés et doit contenir les résultats de l’évaluation des risques. Ces résultats doivent déboucher, pour ces entreprises, sur un programme annuel de prévention des risques professionnels et d’amélioration des conditions de travail, structuré autour de 3 pôles :
- Fixer la liste détaillée des mesures de prévention devant être prises au cours de l’année à venir, les mesures de prévention des effets des expositions aux facteurs de risques professionnels, ainsi que, pour chaque mesure,ses conditions d’exécution, des indicateurs de résultat et l’estimation de son coût ;
- Identifier les ressources de l’entreprise pouvant être mobilisées ;
- Prévoir un calendrier de mise en œuvre.
Ce programme doit être présenté pour avis au CSE.
2) Pour les entreprises de moins de 50 salariés :
Les résultats de l’évaluation des risques professionnels portés sur le DUEPRP de ces entreprises doivent déboucher sur une définition d’actions de prévention des risques et de protection des salariés. Cette liste doit être consignée dans le document unique(ou mis en annexe)et ses mises à jour. Si un CSE existe dans l’entreprise, il doit être consulté sur cette liste d’actions de prévention et protection.
Notons que la loi précise, que les branches professionnelles peuvent accompagner les entreprises dans l’élaboration et la mise à jour du DUEPRP, au moyen de méthodes et référentiels adaptés aux risques considérés et d’outils d’aide à la rédaction. Voir le site FNHPA
Rappel pour information :
L’employeur doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Ces mesures comprennent, selon le code du travail :des actions de prévention des risques professionnels, des actions d’information et de formation et la mise en place d’une organisation et de moyens adaptés.
Le code du travail précise, que ces mesures doivent prendre en compte les principes généraux de prévention suivants :
- Eviter les risques,
- Evaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ;
- Combattre les risques à la source ;
- Adapter le travail à l’homme
- Tenir compte de l’état d’évolution de la technique
- Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n’est pas dangereux ou qui l’est moins ;
- Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l’organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l’influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel, tels qu’ils sont définis aux articles L. 1152-1 et L. 1153-1 , ainsi que ceux liés aux agissements sexistes définis à l’article L. 1142-2-1 ;
- Prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle ;
- Donner les instructions appropriées aux travailleurs.
3. Mettre à jour, conserver, diffuser le DUEPRP
Le DUEPRP doit être mis à jour au moins 1 fois par an, sauf pour les TPE de moins de 11 salariés (Décret du 18 mars 2022), en cas d’ajout ou de suppression d’un risque existant par le passé, de modifications des situations de travail(nouveaux équipements de travail, changement de locaux, évolution de la fréquence ou de la gravité des situations de danger,….).
La mise à jour du document unique implique, si nécessaire(Décret du 18 mars 2022),la mise à jour du programme annuel de prévention ou de la liste des actions de prévention. D’où l’intérêt d’adopter par exemple, un format numérique pour le DUEPRP et le programme annuel de prévention ou la liste des actions de prévention afin de compléter simultanément les deux documents lors de la mise à jour.
En tout état de cause, à chaque mise à jour du Document unique, le programme ou la liste des actions de prévention doit être examiné et modifié, si besoin est.
Comment conserver et diffuser le DUEPRP ?
Des nouveautés sont à signaler sur ces points. Le DUEPRP, dans sa version initiale comme dans ses mises à jour, doit désormais être conservé par l’employeur pendant au moins 40 ans. L’exigence de traçabilité requiert désormais l’accessibilité aux versions successives du document.
Le dépôt du document
Par ailleurs, le document unique et ses mises à jour font l’objet, en plus d’une transmission systématique au service de prévention et de santé au travail, d’un dépôt dématérialisé sur un portail numérique administré par un organisme géré par les organisations professionnelles d’employeurs représentatives au niveau national et interprofessionnel. Cette obligation de dépôt dématérialisé sera applicable à compter du 1er juillet 2023 pour les entreprises dont l’effectif est supérieur à 150 salariés et au plus tard à compter du 1er juillet 2024 pour celles dont l’effectif est inférieur.
Nota :En attendant les précisions réglementaires sur les conditions de dépôt, il est conseillé de conserver le document unique ainsi que l’ensemble des mises à jour que vous avez pu effectuer (sous format papier ou numérique) afin de pouvoir justifier, si besoin est, du respect par l’entreprise de ses obligations en matière d’évaluation et de prévention des risques professionnels. Ne pas oublier de dater les mises à jour du DUEPRP.
L’accessibilité du document
Enfin, le document unique est accessible, outre aux personnes visées précédemment, aux personnes suivantes(Décret du 18 mars 2022) :
- Aux salariés durant l’exécution de leur contrat de travail pour les seules versions en vigueur depuis leur entrée en fonctions ;
- Aux anciens salariés pour les versions en vigueur durant leur période d’activité dans l’entreprise ;
- Ainsi qu’à toute personne ou instance pouvant justifier d’un intérêt à y avoir accès(SPST, intervenant en prévention des risques professionnels, ergonome, ….).
A partir de l’effectivité du dépôt dématérialisé, l’employeur n’a plus l’obligation d’afficher un avis sur la mise à disposition du DUEPRP, car la mise à disposition du document relèvera de l’organisme qui sera chargé de sa conservation.
En attendant, il convient évidemment de continuer d’afficher un avis sur les modalités d’accès au document unique par les salariés.
SYNTHESE: le DUEPRP en trois étapes
Etape 1: Analyser les risques professionnels
- Procéder à l’analyse des risques par unité ou poste de travail ;
- Associer à la démarche les représentants élus du personnel(s’ils existent dans l’entreprise),les salariés référents sécurité, et le médecin du travail ;
- Recueillir les avis, observations et propositions ;
- Prévoir un calendrier des réunions et des points étapes.
Etape 2 : Elaborer le document unique
- Recenser, par unité ou poste de travail, les différents risques professionnels dans le document en indiquant leur fréquence et leur gravité ;
- (Pour les entreprises de 50 salariés et plus) Définir, en concertation, notamment avec les élus du personnel, les actions de prévention en détaillant leurs modalités (exécution, calendrier, coût).Consulter le CSE.
- (Pour les entreprises de moins de 50 salariés) Etablir la liste des actions de prévention et protection des salariés(nature, calendrier de mise en place, éventuellement coût). Consulter le CSE s’il existe dans l’entreprise.
- Le tenir à disposition des personnes listées par l’article R.4121-4 du code du travail (voir article ci-dessus).
Etape 3: Mettre en oeuvre le DUEPRP et assurer son suivi
- Mettre à jour son DUEPRP au moins 1 fois par an (sauf pour les TPE de moins de 11 salariés),en cas d’ajout ou de suppression de risques, de modifications de situations de travail. Consulter le CSE pour les entreprises de 50 salariés et plus ;
- Faire un bilan de la réalisation des actions de prévention prévues ;
- Adapter ou modifier en conséquence son programme de prévention ou sa liste d’actions de prévention. Consulter le CSE pour les entreprises de 50 salariés et plus.