Restauration : quelle formule pour quel camping ?
La restauration est souvent source d’inquiétudes pour les hôteliers de plein air. S’il n’existe pas de recettes miracles, certains choix répondent à des règles de bon sens. Rencontre avec des gestionnaires de campingsqui nous racontent leur expérience.
La restauration est souvent source d’inquiétudes pour les hôteliers de plein air. S’il n’existe pas de recettes miracles, certains choix répondent à des règles de bon sens. Rencontre avec des gestionnaires de campingsqui nous racontent leur expérience.
Sommaire
Pas de recettes miracles, mais des choix à faire
Quelle que soit la taille d’un camping, il doit être capable de proposer une solution de restauration. Ne serait-ce que pour dépanner. Mes des règles s’imposent pour ne pas perdre pied.
« La restauration ? Dans un camping, c’est 90 % des ennuis pour 8 % de chiffres d’affaires et 2 % de bénéfices » ; «â€¯On propose de la restauration pour rendre service » ; «â€¯Ce n’est pas notre métier, mais la présence d’un point restauration est un plus pour les clients » ; «â€¯Notre métier, c’est d’héberger, de divertir les clients. La restauration, c’est un autre métier… » Que n’a-t-on pas entendu au sujet de la restauration en camping ! Pour les patrons d’un camping-club cinq étoiles de 600 emplacements ou d’un établissement de 80 places, la question de la restauration n’est jamais une sinécure. Avec souvent les mêmes interrogations. Faut-il faire en direct (soi-même ou avec ses propres salariés) ou mettre en gérance ? A partir de quand est-il plus pertinent d’opter pour telle ou telle solution ? Faut-il obligatoirement ouvrir sur la clientèle extérieure pour bien tourner ? Comment cela se gère-t-il ?
On le sait, la restauration dans l’HPA soulève généralement beaucoup de questions et chacun se débrouille pour y apporter ses propres réponses, sa propre sauce. «â€¯On a tout essayé : la gestion en direct avec des salariés, la location-gérance avec un cahier des charges précis. A chaque fois on pense avoir trouvé la bonne solution, puis au bout de deux ans, on change », nous confiait un gestionnaire de camping. Une chose est sûre, en matière de gestion de la restauration en camping, il n’y a pas de recette miracle adaptable à tout le monde. Mais des choix à faire.
La recette : poulet, pizza, frites
Pour Christian Lagarde, président du centre de formation Campus Avenue , spécialisé dans l’hôtellerie de plein air, même un petit camping doit être capable de proposer une solution de restauration. Pour lui, il faut au moins avoir une petite épicerie de dépannage, même (et surtout) pour le plus petit des établissements.
Et aux gestionnaires de campings plus modestes, qui doivent être multicompétents, il préconise de s’orienter vers ce qu’ils peuvent maîtriser : la petite restauration.
L’idée étant de faire simple avec peu de stocks, un économat facile (pour éviter de jeter) et une petite amplitude d’ouverture. «â€¯Dans un camping, a fortiori de petite taille, le snacking géré en direct est une bonne solution. Il faut proposer des produits simples que les clients ne peuvent pas faire eux-mêmes sur leur emplacement, dans leur caravane ou mobile-home. »
Son tiercé gagnant : pizza, poulet et frites. L’avantage de ces produits, c’est qu’ils sont assez faciles à réaliser et plaisent à tout le monde (pour autant qu’ils soient de qualité). C’est l’assurance aussi de réaliser de bonnes marges. «â€¯Et il ne faut pas cacher sa rôtisserie, au contraire, elle doit être visible pour attirer le client. On doit sentir l’odeur du poulet qui grille pour attirer le client », précise Christian Lagarde.
Longtemps chef dans des restaurants étoilés (comme le Negresco à Nice) et aujourd’hui à la tête du camping Le Lac de Panthier (quatre étoiles, 200 emplacements) à Vandenesse-en-Auxois (Côte-d’Or), David Plet confirme le propos. «â€¯La formule snacking est appropriée. Mais on peut également proposer une petite carte avec une ou deux entrées et autant de plats. Il faut faire simple et surtout ne pas se noyer dans une carte avec une liste interminable de plats. Et d’ajouter : Pour les néophytes, la formule buffet avec plusieurs entrées froides et un seul plat chaud est aussi une solution en camping. »
Et pour ceux qui souhaitent alterner différents plats selon les jours, il rappelle que, pour éviter les pertes, tout produit acheté doit servir dans au moins trois plats différents. «â€¯Par exemple, les lardons peuvent être utilisés dans une salade, une pizza et une quiche. »
Ouverture à midi, pas nécessaire
Une chose est sûre pour Christian Lagarde, en dessous de 20 000 € de chiffre d’affaires, il est préférable de gérer soi-même quitte à embaucher un saisonnier qui, le reste du temps, se consacrera à une autre activité dans le camping. «â€¯J’ai déjà vu des restaurants de cinquante couverts avec trois personnes en cuisine, c’est une aberration. Un seul chef suffit, lequel peut tout faire, y compris la plonge », ajoute David Plet. Et dans les petits campings, le midi, il vaut mieux ne pas ouvrir, les campeurs étant en vadrouille. «â€¯Quand on a un petit service de restauration qui n’est pas ouvert sur l’extérieur, il faut éviter d’ouvrir à midi. Cela prend trop de temps pour pas grand-chose », confirme David Plet. D’ailleurs, il préconise aussi des horaires d’ouverture réduits.
Et à ceux qui doutent de la pertinence de proposer de la restauration, Christian Lagarde rappelle qu’un gestionnaire de camping ne vend pas uniquement des nuitées, mais des journées entières. Et que les repas pendant les vacances sont des moments importants. Même pour les clients qui mangent des choses simples. «â€¯Un restaurant, c’est un repas, mais aussi un cadre, une ambiance. » Il est donc préférable d’éviter les chaises en plastique et les parasols publicitaires estampillés au nom d’une marque de glace ou d’une boisson.
Jean-Guilhem de Tarlé
«â€¯J’accueille des food-trucks tous les soirs »
Camping de 72 emplacements, Au Pigeonnier sur l’île d’Oléron gère en direct les petits-déjeuners, mais accueille des food-trucks le soir. Tout en proposant une épicerie automatisée.
la tête d’un camping de seulement 72 emplacements sur l’île d’Oléron en Charente-Maritime, Fabrice et Christelle Migné ont réglé la question de la restauration en camping en s’appuyant sur trois solutions complémentaires. «â€¯Le matin, je suis en mesure de proposer un petit-déjeuner (sur place ou à emporter). Mais il faut le commander la veille », explique Christelle Migné du camping Au Pigeonnier .
Dès 7 heures du matin, elle se charge de faire cuire baguettes et viennoiseries. «â€¯Nous avons un four et des congélateurs. En haute saison, je peux cuire entre 40 et 60 baguettes par jour. Je gère tout en direct. Et en basse saison, on est capable de proposer des petits-déjeuners en salle sous forme de buffet pour les groupes. » Certes, certains campeurs préféreront toujours prendre leur voiture pour acheter leur pain au supermarché situé à 800 mètres… Mais pour Christelle, être capable de proposer un petit-déjeuner est un service qui reste apprécié.
Epicerie automatique sur place
Si à midi, le camping ne propose pas de restauration (les campeurs sont majoritairement partis en visite), en revanche le couple Migné n’est pas sans solution de dépannage pour ceux qui restent dans le camping. «â€¯Depuis environ cinq ans, nous avons un distributeur automatique (acheté 13 000 €) accessible 24 heures sur 24. Le but était de nous libérer du temps pour nous permettre de déjeuner, entre autres. » Outre des glaces, cette épicerie automatique propose du café, du chocolat, des chips, du lait, des bonbons, des boissons, voire de la sauce tomate. «â€¯Je m’occupe moi-même de réapprovisionner le distributeur automatique. Mais cela demande une certaine gestion des stocks. » Aux heures d’ouverture du camping, une «â€¯vraie » épicerie (située dans la réception) affiche des produits régionaux (vin, bières locales, sel, confitures, galettes…). «â€¯Hélas, on ne vend pas autant que l’on voudrait. Il faut gérer les stocks et ce n’est pas facile. Pour la saison prochaine, nous allons simplifier : on ne se contentera que de produits non périssables comme le vin. Et puis surtout, on mettra des mugs, casquettes et tee-shirts à l’effigie du camping. »
Pour les repas du soir, Fabrice et Christelle font régulièrement appel à des food-trucks. D’ailleurs, ce sont plutôt ces derniers qui ont frappé à la porte. «â€¯Nous les sélectionnons, les testons. Il faut qu’ils soient conviviaux et qu’ils proposent un service de la qualité. » Une solution idéale à la fois pour les responsables du camping Au Pigeonnier, mais aussi pour les campeurs qui chaque jour ont une offre variée et de qualité. «â€¯Nous avons un camion de pizza qui vient deux fois chaque semaine tout comme le food-truck qui prépare des plats type paella ou moules marinières-frites. Un autre camion commercialise des tapas. » Selon les années, certains food-trucks en remplacent d’autres. «â€¯On a souvent des jeunes qui se lancent et se font la main chez nous. » Chaque jour, de 17 h 30 à 21 h 30, le camion s’installe à l’entrée du camping. «â€¯Nous ne lui louons pas l’emplacement. Il vient gratuitement. Mais en retour, il offre un repas aux patrons et une remise voire la gratuité pour le personnel du camping. »
Visiblement, la formule plaît aux campeurs et à l’avantage de ne pas créer de soucis aux propriétaires du camping (pas de gestion de personnel, pas d’investissement en matériel ni de stock à gérer…). «â€¯Avec différents food-trucks, nous avons une offre de restauration diversifiée qu’il nous serait impossible de proposer en direct », résume Christelle Migné qui n’oublie jamais de rappeler à ses clients qu’il existe de très bons restaurants en dehors du camping, sur l’île d’Oléron.
Jean-Guilhem de Tarlé
«â€¯En direct ou en gérance, on a tout essayé »
A la tête du camping Fontaine-Veille, à Andernos-les-Bains sur le bassin d’Arcachon, Laurent Heizmann a tout testé en dix-sept ans d’activité : gestion directe ou mise en gérance. Quel que soit le choix, le pilotage du restaurant n’est pas un long fleuve tranquille !
Au plus loin que je me souvienne, ce camping, créé par la sœur de ma grand-mère dans les années 1960, disposait de son restaurant géré en direct, une table réputée. Même des gens extérieurs au camping y venaient. Il faut dire qu’à l’époque il n’y avait rien aux alentours. Je suis arrivé en 2001, j’ai poursuivi la tradition, avec un personnel salarié… jusqu’en 2009. » Formé à l’école hôtelière, ex-maître d’hôtel et directeur de restaurants pour des établissements du groupe AccorHotels, de l’âge de 20 ans à 33 ans, Laurent Heizmann connaît son domaine. Et de pointer un handicap relatif à la gestion directe dans un camping : «â€¯Le personnel du bar et du restaurant dépend de la convention collective de l’hôtellerie de plein air et non pas du secteur CHR. Donc pour les horaires, ce n’est pas 39 heures mais 35 heures par semaine. Et on n’a pas le droit d’utiliser des extras, bref les contraintes ne sont pas minces. »
C’est au sein de son équipe que le patron trouve le chef idéal. «â€¯Jean-Pierre était employé à l’année comme homme à tout faire, il s’occupait aussi des repas des employés. Lesquels se régalaient. » En 2006, en haute saison, voici donc le maître queux enrichi d’une formation aux pizzas, propulsé à la tête de la cuisine. Il réalise des merveilles, avec des produits frais, des produits rares comme des légumes anciens. Ouvert deux mois l’été, midi et soir, le restaurant de 30 couverts à l’intérieur et 70 en terrasse emploie cinq salariés. «â€¯Il m’aurait fallu sept personnes pour bien assurer. Avec un chiffre d’affaires de 20 000 euros, je couvrais à peine les frais. En revanche, on gagnait en réputation avec des clients satisfaits. »
Pouvoir capter 10 % de la clientèle du camping
Au décès du fameux «â€¯chef » Jean-Pierre, une autre équipe de cinq personnes, toujours salariée, est mise en place. La saison 2010 bouclera sur une perte de 10 000 euros. Laurent Heizmann le reconnaît : «â€¯J’avais la tête dans le guidon. La gestion du camping m’accaparait, je n’ai pas été assez vigilant. » L’été suivant, le restaurant est mis en gérance.
«â€¯L’avantage de la gérance, c’est de toucher un loyer quoiqu’il arrive. Nos contrats sont sur six mois. Mais lorsque cela ne va pas, on a le droit de ne rien dire, sinon cela s’appelle de l’ingérence. Et avec des clients mécontents, l’image du camping peut en prendre un coup. »
Entre 2011 et 2017, cinq gérants se sont succédé. «â€¯Au départ, ils sont tout feu tout flamme. Ensuite la réalité du travail prend le dessus. On a eu droit à tout. Ceux qui n’arrivaient pas à ouvrir à 8 heures du matin pour le petit-déjeuner parce qu’ils faisaient la fête toute la nuit ; ceux qui choisissaient de transformer le restaurant en gigantesque snack sans offrir de plat du jour ou de carte, mais ce sont eux qui ont gagné le plus d’argent. Il faut dire qu’ils étaient trois au total pour faire tourner la boutique. A l’opposé, j’ai eu une équipe formidable. Le restaurant marchait bien. Mais à cause d’une mauvaise gestion des ratios coût, matière et personnel trop nombreux (ils étaient dix !), j’ai eu une ardoise de 3 000 euros en fin de saison ! »
Le patron estime que pour trouver un bon gérant, il faut l’appâter avec des chiffres. «â€¯Or ici, les chiffres sont surtout négatifs, et je n’aime pas bidonner. »
Ceci ne l’empêchera pas de reprendre un nouveau gérant pour la saison 2018, car dit-il «â€¯je n’ai ni l’équipe ni la taille du restaurant qu’il faut. Selon mon expérience, il faut pouvoir capter 10 % de la clientèle de l’hôtel, et du camping dans mon cas, soit 250 clients par service, pour être rentable. Impossible. Nous sommes à vingt minutes du centre-ville d’Andernos, et à notre porte un très bon restaurant est ouvert à l’année. D’autre part il faudrait agrandir et aménager le restaurant, soit investir selon mes prévisions, 500 000 euros. Ceci sans la certitude d’un résultat. Mais je le ferai sans doute un jour ».
Brigitte Ducasse
«â€¯Mettre en gérance mon restaurant ? Jamais ! »
Gérer le bar-restaurant en direct, un choix stratégique opéré depuis toujours au camping Airotel Oyam bbbb à Bidart, au Pays Basque. Une option d’autant plus ambitieuse qu’elle s’accompagne depuis trois ans d’une montée en gamme… des plus réussies !
Depuis la création du camping familial Oyam en 1974, l’activité du bar-restaurant n’est jamais passée en gérance. Loïc Péron, copropriétaire et exploitant de ce camping de 350 emplacements analyse : «â€¯C’est une manière de contrôler l’ensemble des prestations fournies et le fonctionnement à l’intérieur de l’entreprise. En outre, les intérêts d’un gérant de restaurant-bar ne sont pas tout à fait compatibles avec ceux de l’exploitant du camping, à moins de tomber sur un gérant parfait, ce qui est rare. »
Depuis trois ans, une grosse marche a été franchie, illustrée par une montée en gamme : des produits frais (locaux pour l’essentiel) et une cuisine un brin gastronomique complètent une offre brasserie. L’été, sur les 45 salariés du camping, entre 12 et 15 personnes sont affectées au bâtiment qui loge à la fois le bar-restaurant et l’épicerie, laquelle fournit entre autres pains et viennoiseries cuites sur place. De 7 heures du matin à 1 heure du matin, non-stop, le personnel est présent. Le dernier service a été reculé de 21 heures à 23 heures. Et la réservation est préconisée.
Le choix s’est avéré payant. «â€¯Les clients sont très satisfaits et reviennent plusieurs fois par semaine. La fréquentation du restaurant de 150 couverts génère, avec le bar, un chiffre d’affaires de quelque 200 000 euros avec un ticket moyen qui est passé de 14 euros à 20 euros à l’été 2017. Une carte fixe est complétée par des suggestions renouvelées en permanence. On a aussi développé une belle carte de cocktails (7 euros le verre), même s’il faut beaucoup de temps pour les réaliser dans les règles de l’art. »
La rémunération, la considération et l’intérêt professionnel, c’est en substance le triptyque gagnant pour fidéliser le chef. Montant du salaire ? «â€¯Information stratégique. Mais seul, le salaire ne suffit pas. C’est un ensemble de choses qui entrent en jeu, précise le patron. Améliorer nos prestations passait notamment par la sécurisation du poste du chef. On a élargi la durée de son intervention, deux mois, puis trois mois puis un contrat à six mois depuis 2017, ce qui correspond à l’amplitude d’ouverture du restaurant. On a aussi écouté ses besoins techniques. »
Serveurs équipés de tablettes
Les travaux ont démarré cet hiver. La cuisine va doubler de volume (de 30 à 60 m²) avec du matériel performant. L’an dernier, la terrasse est passée de 300 à 500 m², et les 150 m² dévolus à l’offre gastronomique vont être couverts. Ces derniers investissements atteignent déjà 250 000 euros, et ce n’est pas fini. «â€¯On investit aussi dans l’humain. On va positionner trois personnes en cuisine et ajouter des commis au chef et à son second. On a équipé les serveurs en tablettes afin que les commandes aillent directement en cuisine », précise Loïc Péron.
Les retombées sont-elles à la hauteur ? «â€¯Lorsque l’on ne faisait que du snack, le chiffre d’affaires, de quelque 100 000 euros ne couvrait pas les frais d’exploitation, salaires et énergie. Or, sur les trois derniers exercices avec la montée en gamme et un chiffre d’affaires d’environ 200 000 euros, le restaurant est bénéficiaire en termes d’exploitation et d’investissements. » Loïc Péron assimile également l’investissement à une forme de budget de communication.
Ouvrir aux clients extérieurs au camping ? Loïc Péron ne l’exclut pas, même si la situation du restaurant, qui ne donne pas sur la route, ne s’y prête pas spécialement. «â€¯En avril et mai, je suis en déficit. Donc l’ouverture serait une solution. Mais avant, je veux sécuriser, fiabiliser la qualité de la prestation pour mes propres clients.»
Et de conclure : «â€¯C’est vrai que la gestion est très chronophage, la gestion de l’humain est énorme, mais c’est une sacrée aventure ! Pouvoir servir à nos clients des plats haut de gamme, recevoir mes fournisseurs autour de belles assiettes, c’est une fierté, pour moi et pour tout le personnel. »
Brigitte Ducasse
« La gérance, sans regret »
Après avoir géré eux-mêmes le restaurant de leur camping, Eric et Véronique Bassot ont fait le choix de le confier à des professionnels en le plaçant en gérance. Aujourd’hui, ils se félicitent de cette décision.
Alors qu’ils arrivent à la tête du camping Le Peyrelade en 1997 (bbbb, 190 emplacements) à Rivière-sur-Tarn dans l’Aveyron, Eric et Véronique Bassot décident de s’occuper également du restaurant, situé à l’entrée. Pendant trois saisons, ils font donc des allers et retours entre la cuisine et la réception avant de renoncer et de placer le restaurant en gérance.
«â€¯Un de nos amis cuisinier est venu travailler avec nous durant la période estivale, se souvient Eric Bassot. Cela s’est très bien passé et, à la fin de l’été, je lui ai proposé de prendre le restaurant en gérance car cela nous prenait beaucoup trop de temps de nous occuper du restaurant midi et soir en plus du camping. Il est parti depuis, mais nous avons laissé le restaurant en gérance car cela nous permettait de nous concentrer sur notre activité principale : le camping. » Sans regret précise-t-il. «â€¯En 17 ans, nous n’avons connu qu’une saison un peu compliquée avec le gérant. Mais dans l’ensemble nous sommes satisfaits de la formule. » Le loyer, qui comprend les factures énergétiques, s’élève à 16 000 € soit environ «â€¯10 ou 15 % du chiffre d’affaires ». Des conditions satisfaisantes, semble-t-il, puisque le gérant actuel est en place depuis cinq ans.
Faire le point… quand c’est nécessaire
A son arrivée, comme avec chaque nouveau gérant, Eric et Véronique Bassot ont eu plusieurs réunions avec lui afin de poser leurs conditions quant à l’ouverture du bar et du restaurant. «â€¯Nous voulons que les services soient ouverts dès le début de saison. En mai, le bar doit ouvrir à 16 heures au plus tard mais notre gérant joue le jeu et l’ouvre dès le matin. » De même, ils n’hésitent pas à discuter de la cuisine afin que les clients du camping ne soient pas déçus de la qualité du restaurant. «â€¯La première année, nous avons également évoqué la carte. Désormais, nous nous contentons de faire le point au jour le jour, lorsque cela est nécessaire. » Cela n’empêche pas toujours les mauvais avis. «â€¯Dans un premier temps je me suis posé des questions car, sur les forums ou les sites d’avis, la note du restaurant était inférieure aux autres notes du camping. Mais je suis allé consulter les pages de collègues et j’ai réalisé que d’une façon globale, la restauration est toujours jugée plus sévèrement. » Pendant la haute saison, le Flower Camping Peyrelade organise des animations quotidiennes et accueille régulièrement des concerts et des spectacles. Les artistes prennent place sur la scène qui fait face à la terrasse du bar et du restaurant. Bien que ces animations profitent au bar et au restaurant qui voient leur chiffre d’affaires augmenter pendant ces soirées, elles sont exclusivement organisées par
le camping. «â€¯Je souhaite conserver la main sur le programme d’animation. Les concerts sont à notre charge, ils sont donc organisés à nos conditions. Notre gérant
a juste à se frotter les mains grâce à l’afflux de clients
supplémentaires. »
Thomas Lambelin
« La restauration en direct, mais pas au détriment du camping »
Sans réelle expérience derrière les fourneaux, Christophe et Marije Ivangine se sont retrouvés à la tête d’un camping dont le restaurant représente la moitié du chiffre d’affaires. Ils ne se sont cependant jamais posé la question de le mettre en gérance.
En 2009, lorsque Christophe et Marije Ivangine reprennent le Yelloh ! Village Domaine de Louvarel (bbbb, 137 emplacements) à Champagnat, en Saône-et-Loire, ils ont peu d’expérience en restauration malgré les années passées au Domaine des Plantas, en Ardèche, un camping alors tenu par le père de Christophe. «â€¯J’allais aider de temps à autre au service, se souvient Marije, mais c’était plutôt ma belle-sœur qui s’en occupait. J’étais surtout en réception. »
En reprenant Le Domaine de Louvarel, ils perçoivent cependant le potentiel de ce restaurant situé sur les rives d’un plan de baignade. Ce qui ne les empêche pas d’être les premiers surpris de leur succès. Il faut dire que le restaurant, jusqu’alors sous-exploité, devient rapidement une part importante du camping avec un chiffre d’affaires de 500 000 €, soit 50 % du chiffre d’affaires global (hébergement et services annexes) du camping. Avec un service midi et soir, le restaurant compte aujourd’hui quatre cuisiniers, un plongeur, un barman et trois serveurs. Et Christophe et Marije qui s’occupent du bar et du service en salle.
Compliqué de trouver du bon personnel
Un bureau de recrutement est chargé de trouver le personnel tandis que Christophe et Marije cherchent à offrir de bonnes conditions de travail : «â€¯C’est toujours compliqué de trouver des personnes compétentes, surtout quand on est situé au milieu de la Bresse comme nous. Il faut donc être capable de proposer de bonnes conditions de travail. Pendant cinq ans, nous avons conservé notre chef en le payant douze mois pour un travail saisonnier de six mois. » N’ayant pas de réelle expérience en restauration, Christophe et Marije suivent les formations obligatoires et prennent également conseil auprès de la société Marge ou Crève (voir encadré, p. 49) qui leur permet de mieux s’organiser et d’optimiser les profits. Ils auraient également pu envisager de mettre l’établissement en gérance, d’autant que sa situation à l’entrée du terrain aurait permis de le séparer du camping. «â€¯La question ne s’est cependant jamais posée, confie Marije. J’ai une idée de la qualité que je souhaite offrir à mes clients et je ne veux pas prendre le risque de confier cela à quelqu’un d’autre. D’autant que j’ai connu des gérances qui se passaient mal lors de mon passage à Kawan Resort [NDLR : Marije a travaillé deux ans pour Kawan Resort à s’occuper des campings Le Lac d’Orient, dans l’Aube, et Le Bontemps, en Isère], je ne voulais pas reproduire cette mauvaise expérience ici. En revanche, si un employé est très motivé nous pouvons l’intéresser au chiffre d’affaires pour nous délester un peu du travail au restaurant. » Car la restauration demeure une activité très chronophage et le risque est que cela se fasse au détriment du camping.
Pendant plusieurs étés, Marije a passé la majeure partie de ses journées au restaurant, délégant son travail d’accueil. Elle était donc heureuse, la saison dernière, de retrouver sa réception : «â€¯Cette année nous avions un très bon chef de salle qui m’a permis d’être plus présente en réception. » Malgré l’excellent chiffre d’affaires du restaurant grâce à la clientèle extérieure (70 %), la priorité de Christophe et Marije demeure en effet le camping. «â€¯Nous pensons toujours à nos campeurs. Nous refusons, par exemple, de privatiser la salle de restaurant pour des groupes et, le samedi après-midi, j’arrête de prendre des réservations extérieures pour le soir afin de garder des places pour les campeurs qui ne sont pas encore arrivés. » Le restaurant est d’ailleurs un argument pour inciter les campeurs à s’arrêter sur ce camping où le passage est important : «â€¯Des clients réservent leur table en même temps que l’emplacement, souligne Marije. Et certains sont déçus lorsqu’ils arrivent un lundi, jour de fermeture du restaurant. »
Thomas Lambelin
«â€¯Marge ou Crève », l’aide aux restaurateurs
Christopher Terleski est à la tête de «â€¯ Marge ou crève  », une société de conseils en hôtellerie et restauration. Il propose à ses clients du conseil, de la formation et des outils afin
de mieux gérer leur restaurant.
«â€¯Beaucoup n’ont pas les marges qu’ils devraient produire », explique-t-il. Parmi ses clients, l’HPA s’est fait sa place puisqu’il intervient auprès des Yelloh ! Villages mais aussi de campings indépendants, très satisfaits de son regard professionnel. Quant à faire un choix entre la gérance et le choix de gérer son restaurant en direct, il n’a pas de solution miracle. «â€¯L’attrait serait aujourd’hui de sous-traiter afin de se dégager des problèmes de recrutement, administratifs, etc. Mais dans ce cas, on perd la main et on n’est plus responsable de la qualité des produits proposés.
Il est important de bien réfléchir à ce que l’on veut offrir et être à l’aise avec le système choisi. » Sans dévoiler ses secrets, il a listé des points importants : s’inspirer de ce qui fonctionne sur des établissements similaires ; ne pas hésiter à se faire aider en amont ; trouver un produit correspondant à son image ; suivre en permanence la performance et «â€¯bien acheter et bien vendre ». «â€¯Il faut aussi savoir ne pas être trop ambitieux et ne pas partir dans des délires. Les gens veulent manger simple, bon et, si possible, local.»