Femmes à la barre

Par Thomas Lambelin 25/11/2016

Avec Madame à l’accueil ou dans le bureau juste à côté et Monsieur sur le terrain pour gérer les fuites d’eau ou nettoyer la piscine, l’HPA garde des clichés tenaces.Pourtant, tous les campings ne sont pas gérés en couple. Dans certains cas, cette activité se conjugue au féminin. Par choix ou par nécessité. Cinq femmes à la tête de leur terrain nous racontent leur expérience.

Avec Madame à l’accueil ou dans le bureau juste à côté et Monsieur sur le terrain pour gérer les fuites d’eau ou nettoyer la piscine, l’HPA garde des clichés tenaces.Pourtant, tous les campings ne sont pas gérés en couple. Dans certains cas, cette activité se conjugue au féminin. Par choix ou par nécessité. Cinq femmes à la tête de leur terrain nous racontent leur expérience.

A la tête d’un camping à 25 ans

Depuis onze ans, Julie Grontenrath gère seule le camping tenu auparavant par ses parents. Plus que sa qualité de femme, c’est sa jeunesse qui surprend parfois ses interlocuteurs.

Son camping, Julie Grontenrath l’a voulu et elle l’a eu. Pour y arriver, elle n’a pas hésité à postuler à un entretien de reprise pour convaincre… ses parents qui le dirigeaient avant elle. «â€¯Avant je travaillais à Paris dans le marketing,
et un jour j’ai compris que mes parents voulaient mettre le camping en location-gérance. Ils n’avaient pas en tête de me le confier. J’étais jeune (25 ans), et ils pensaient que ce n’était pas fait pour moi. Trop compliqué. Sans doute voulaient-ils me préserver… » Sans leur dire, elle décide donc de monter un dossier en poussant la porte de quelques banques et en faisant appel à un comptable.  «â€¯Alors que le dossier était déjà avancé avec un groupe de l’HPA, je leur ai fait  une proposition de reprise dans le cadre d’une location-gérance d’un an. En cas d’échec de ma part, c’était facile de tout arrêter. » Après une année de transition avec ses parents, elle se retrouve en 2006 à la tête du Port Pothuau, 380 emplacements à Hyères (Var). Seule aux commandes. A l’époque, outre Julie, il y a trois salariés. «â€¯Ma première grande décision stratégique a été d’intégrer le prix de l’accès à la piscine dans nos tarifs. Pour ne pas pénaliser les campeurs non-utilisateurs de la piscine, mes parents avaient mis en gérance le bassin avec le bar-restaurant. Il y avait un accès payant ».

Machisme aquatique

Dès sa première saison, le chiffre d’affaires du Port Pothuau augmente de 22 % ! «â€¯Les salariés déjà présents, qui m’ont connue toute petite, m’ont bien épaulée. De mon côté, je suis passée par tous les postes pour comprendre leurs besoins et voir leurs conditions de travail. » Elle s’est intéressée à tout pour découvrir le fonctionnement du camping, «â€¯j’ai même passé beaucoup de temps dans les magasins de bricolage pour bien comprendre ce que mes salariés me demandaient d’acheter. Je ne lâchais rien », se souvient-elle.
Si elle n’a jamais eu à souffrir de sa condition de jeune femme auprès de ses salariés, en revanche cela n’a pas toujours été le cas de la part de certains fournisseurs. Certes, en reprenant le camping, elle a fait jouer la concurrence préférant faire appel à des commerciaux plus proches de son âge avec qui elle parle le même langage. «â€¯Mais j’ai quand même eu affaire à des personnes qui ne voulaient pas travailler avec moi parce que je suis une femme. En particulier lorsque je me suis lancée dans la création d’un espace aquatique. Je me souviens d’une personne vraiment méprisante. A ses yeux, j’étais une blonde qui ne comprenait rien et qui n’était pas légitime à piloter ce projet. D’ailleurs, quand j’étais accompagnée d’un architecte, il ne lui parlait pas de la même manière… Avec moi, il était condescendant. Il me demandait plutôt de faire un café… »

Des clients surpris

Mais plus que sa qualité de femme, c’est son âge qui déstabilise parfois ses interlocuteurs. En particulier les clients qui ne veulent pas croire que c’est elle la patronne. «â€¯Certains pensent que je filtre et que je ne veux pas passer le patron.
A cause de mon âge, les clients qui veulent parler au patron se tournent naturellement vers ma responsable de réception qui est plus âgée que moi… » Après onze années seule à la tête du camping, Julie avoue avoir intégré dans son management et dans sa relation avec les fournisseurs et les clients le fait d’être à la fois une femme, jeune de surcroît (35 ans). «â€¯Etre une femme ne rend pas le poste plus difficile. Tout est question de caractère. Si j’avais été un garçon, les choses auraient été différentes, mais pas plus simples. » D’ailleurs depuis qu’elle a décidé de troquer ses habits de “jeune” pour des tenues de “chef d’entreprise”, de se maquiller et de mettre un blazer lors de ses rendez-vous, elle a constaté un comportement différent de la part des hommes. «â€¯On est plus respectée. » A la fois secrétaire du syndicat HPA du Var et membre du Centre des jeunes dirigeants, elle avoue que le plus compliqué n’est pas d’être une femme dirigeante, mais de prendre parfois des décisions seules. Mais de là à intégrer son compagnon dans le camping, il y a un pas qu’elle n’a pas (encore) franchi. «â€¯Mon ami serait motivé, mais je ne suis pas encore prête. Que ferait-il ? A quel poste ? Quel serait notre lien hiérarchique ? Et d’ajouter :  Nous ne sommes pas dans la situation du couple qui reprend une affaire avec un projet commun ». Et si la véritable difficulté était de travailler en couple ?

Poursuivre une histoire de famille

Cécile de la Varde est tombée dans le camping quand elle était petite, même si reprendre l’affaire familiale n’a pas toujours été dans ses projets.

Quand on a toujours vécu sur un terrain de camping, il pourrait sembler logique de reprendre l’affaire familiale. En particulier lorsque cette dernière est un des très beaux campings de la Manche, membre de la chaîne Castels. Après plusieurs étés à travailler avec ses parents «â€¯comme simple saisonnière », précise-t-elle, Cécile de la Varde avait plutôt fait le choix de partir vers d’autres aventures. Elle passe donc son diplôme d’infirmière et débute une carrière médicale, loin du monde de l’Hôtellerie de plein air. Toutefois, son frère ne désirant pas reprendre le camping, ses parents se posent la question de vendre Château Lez-Eaux.  Elle met donc entre parenthèses son activité pour s’essayer à la gestion de terrain de camping en 2005. Tout en gardant la possibilité de reprendre son poste d’infirmière si l’expérience ne lui convenait pas.  «â€¯J’aime beaucoup les deux métiers. Mais l’un des deux me permettait de conserver le Château Lez-Eaux dans la famille. »

Une approche différente

Tout d’abord co-gérante, elle prend finalement les rênes au début des années 2010 et s’épanouit désormais seule à la tête de l’établissement, menant conjointement sa vie professionnelle et de jeune maman.  «â€¯Le passage de relais n’a pas été trop dur. Je connaissais le camping pour y avoir travaillé. Et si aujourd’hui mes parents n’aident plus vraiment, la transition s’est faite en douceur.»
Sur le fait d’être une femme seule à la tête d’un camping, Cécile ne pense pas que cela soit une difficulté même si cela amène parfois à voir les choses différemment. «â€¯Je n’aborde pas toutes les situations de la même façon que mon père. Il me semble qu’il est parfois plus facile de désamorcer un conflit quand on est une femme. L’été dernier, tout particulièrement, j’étais enceinte et cela a beaucoup joué. Je sentais bien que les clients cherchaient à me préserver. » N’ayant pas les mêmes compétences techniques que son père, Cécile reconnaît «â€¯qu’au départ cela n’a pas toujours été évident avec le personnel technique. Mais c’est autant dû au fait d’être une femme que d’être jeune. Idem pour les clients qui étaient parfois surpris de me voir arriver pour une réparation. Mais désormais je me suis entourée de gens compétents dans les domaines que je maîtrisais moins et je m’appuie sur eux. Ils sont présents lors des réunions avec les partenaires ou les fournisseurs lorsque j’ai besoin de leur avis. » Sauf lorsque les fournisseurs sont vraiment machos, dans ce cas «â€¯je m’affirme d’autant plus pour leur rappeler que je suis chez moi et que c’est moi qui dirige le camping ».

De la botanique aux espaces verts

D’abord tentée de s’éloigner du métier de sa mère, Béatrice Pigeon a finalement décidé de reprendre la tête du camping familial.

Etre une femme à la tête d’un camping semble être une histoire de famille chez les Pigeon. En prenant la direction du camping Les Bois du Bardelet , dans le Loiret, Béatrice Pigeon a en effet succédé à sa mère. Pourtant ses études la destinaient à tout à fait autre chose. Ne souhaitant pas suivre un «â€¯cursus filial », elle obtient son diplôme de pharmacienne. Après quelques expériences dans ce domaine, elle décide finalement de rejoindre sa mère en 2001 : «â€¯L’entreprise devenait telle que soit je rejoignais ma mère, soit elle devait vendre. J’ai donc fait le choix d’un travail polyvalent sur un camping de 18 hectares plutôt que de m’enfermer dans une pharmacie de quelques mètres carrés. Même si, finalement, les deux professions ont beaucoup plus de points communs qu’il n’y paraît avec notamment les RH, de l’administration, de la comptabilité, etc. » Le passage de relais se fait de façon plus rapide que prévu. Suite à des problèmes de santé de sa mère, Béatrice se retrouve très rapidement seule à la tête de l’établissement même si sa mère, qui gère la restauration jusqu’en 2012, a continué d’être «â€¯un vrai support pendant pas mal d’années ». Pour Béatrice le fait d’être une femme à la tête d’un camping n’est plus si original à l’heure qu’il est. «â€¯Dans les réunions de fédération ou dans les chaînes, je vois beaucoup de femmes qui prennent les décisions et qui apportent beaucoup », souligne-t-elle.

La difficulté d’être seule

En revanche, elle reconnaît la difficulté à être jeune ou seule : «â€¯Lorsque j’ai débuté, au niveau local je sentais que je n’étais pas toujours crédible. Mais je pense qu’un jeune homme aurait eu le même problème. C’est plus un jugement lié à l’âge. Il y a des choses que je ne sais toujours pas faire sur le camping. Ce n’est pas parce que je suis une femme mais parce que je suis toute seule et je ne peux pas savoir tout faire. Dès lors que l’on est seule à la tête d’un camping, homme ou femme, il faut savoir déléguer un peu plus et bien s’entourer. Plus qu’entre homme et femme, la différence est surtout entre le fait d’être seule ou en couple. » Si pour elle le fait d’être une femme n’a jamais joué dans ses relations avec les fournisseurs ou les clients, elle reconnaît cependant qu’il demeure quelques hommes qui ont une vision plus rétrograde et avec qui il faut encore lutter pour s’affirmer. «â€¯J’ai eu cet été un employé d’un certain âge à l’entretien qui était réfractaire à recevoir des ordres de ma part et avec qui je devais constamment répéter et insister. Mais fort heureusement, ce n’est plus la norme. Je donne le point de vue d’une femme qui habite dans le Val-de-Loire. Il est possible que dans les régions plus latines cela soit différent… » Lorsqu’il s’agit de sa vie de famille, Béatrice confirme que seule ou en couple fait plus de différence que homme ou femme : «â€¯La société n’est pas toujours bien adaptée pour la vie familiale des gens qui travaillent en dehors des horaires classiques. Quel que soit le sexe. Un couple qui travaille ensemble a le même rythme, c’est plus facile. Mon conjoint travaille en dehors du camping donc nous adaptons notre vie de famille au mieux selon que le camping est ouvert ou fermé. Mais je pense qu’un homme dont la femme travaille en dehors du camping rencontre les mêmes problématiques. »

Homme ou femme, pas de différence

Gérante du camping Sites et Paysages L’Étang de Bazange en Dordogne depuis plus de dix ans, Céline de Angeli ne voit pas de différence à être seule à la tête d’un camping.

C’est en 2005 que Céline de Angeli abandonne son métier de journaliste, à Arras (Pas-de-Calais), pour reprendre le camping créé par ses parents : L’étang de Bazange , en Dordogne. Elle est suivie de près par son frère, Hubert, qui quitte  Amsterdam où il dirige un restaurant gastronomique. Si Céline est officiellement à la tête de l’établissement, le frère et la sœur partagent toutefois une partie des responsabilités. «â€¯Mon frère s’occupe des questions techniques et moi de la partie commerciale et de l’accueil », explique-t-elle.  Pour Céline, le fait d’être une femme à la tête d’un camping «â€¯n’a jamais posé de problème ». Pour elle, l’HPA est même «â€¯un milieu beaucoup plus ouvert que d’autres. Je ne pense pas que les difficultés changent que l’on soit un homme ou une femme. Le souci se situe plutôt dans la taille du camping. Nous sommes dans un secteur complexe à la croisée de beaucoup de champs d’activité. Il nous faut toujours innover et rester imaginatif. C’est parfois difficile pour une petite structure qui a les mêmes problématiques qu’un gros camping. »

Seule du jour au lendemain

Edwige Arnout s’est retrouvée seule à la tête de son camping, suite au décès de son mari.

Lorsqu’elle rencontre son futur mari, Marc, en 1976, Edwige Arnout est encore vacancière sur le camping de ses futurs beaux-parents, Le Roubreau , en Ardèche. C’est en 1984, qu’elle se marie avec celui qui n’est autre que le fils des propriétaires du camping. De fait, elle rejoint l’entreprise familiale. «â€¯Ma belle-mère s’occupait du bureau, mon beau-père de la restauration et de l’entretien et mon mari du bar et de l’animation. De mon côté, je faisais un peu de tout », se souvient-elle. En 1993, ses beaux-parents partent à la retraite. Marc et Edwige prennent donc la succession. En 1999, suite
au décès prématuré de son mari, elle se retrouve seule à devoir gérer le camping et ses deux enfants. «â€¯A deux, il nous fallait déjà une jeune fille au pair pendant la saison d’été. Toute seule, j’ai eu la chance d’être soutenue par ma famille et ma belle-famille qui se sont beaucoup occupées des enfants pendant les périodes d’ouverture du camping. Le plus difficile était la basse saison, lorsque le rythme est haché et que les enfants vont encore à l’école. Mais, lorsqu’ils
sont devenus adolescents, ils étaient plus autonomes et m’ont tout de suite aidée. »

Dix-sept ans plus tard, après de nombreuses saisons et des expériences au Club Med’, son fils Achille, 25 ans, l’a définitivement rejointe dans l’affaire familiale. Lorsqu’il a fallu gérer seule le camping du jour au lendemain, Edwige a tout de suite pris les choses en main. «â€¯J’étais déjà très impliquée dans la plupart des décisions. J’avais regardé travailler
et mon mari et, si je ne savais pas tout faire moi-même, je savais ce que je voulais et je savais déléguer. » Elle s’entoure
donc d’une personne à l’année. Sur le terrain, elle n’a jamais ressenti qu’être une femme était un problème. «â€¯C’est le fait de devoir assumer seule la charge de travail de deux personnes qui a été le plus difficile. » Les premières années qui suivent le décès de son mari, elle confie la restauration à quelqu’un d’extérieur avant d’en reprendre la gestion en 2002. En revanche, elle reconnaît que certains fournisseurs l’ont parfois prise de haut. «â€¯Un vendeur de voitures m’a demandé de revenir avec mon mari. Il ne m’a jamais revue. »

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