Camping et «tourisme de mémoire »

Par Thierry Noisette 24/04/2014

Le calendrier de cette année 2014 est chargé en commémorations, avec le centenaire de la Première Guerre mondiale et les 70 ans du Débarquement. Les retombées sont importantes pour le tourisme, dont le camping a sa part, comme en témoignent gestionnaires et instances, dans les régions liées aux deux guerres mondiales. 

Le calendrier de cette année 2014 est chargé en commémorations, avec le centenaire de la Première Guerre mondiale et les 70 ans du Débarquement. Les retombées sont importantes pour le tourisme, dont le camping a sa part, comme en témoignent gestionnaires et instances, dans les régions liées aux deux guerres mondiales. 

Les présents du passé

Les terribles conflits du XXe siècle ont laissé des traces profondes dans nos régions, sédimentées en musées, cimetières et autres lieux de mémoire. Plusieurs drainent en continu une part non négligeable des vacanciers, a fortiori lorsque un anniversaire remet en relief cette histoire. L’année 2014 est très marquée par le souvenir des deux guerres mondiales avec le début du centenaire de 14/18, dont les commémorations vont s’étaler pendant quatre ans, et les 70 ans du Jour J en Normandie, et au-delà de la Libération.

« Quasi obligatoire » pour les anglophones

Un exemple pour 14/18: en baie de Somme, le camping Le Clos Cacheleux (3 étoiles à Miannay, Somme) reçoit 60 à 65% de clients britanniques ou anglophones. « Pour ceux qui restent plus d’une nuit, observe Marie-Laure du Plouy, gérante de ce camping membre de Sites et Paysages, visiter un champ de bataille ou aller se recueillir sur la tombe d’un ancêtre, c’est quasi obligatoire. Ça touche tous les âges: hors-saison, il y a beaucoup de retraités, mais en juillet-août, nous recevons aussi des familles, des 35-50 ans, voire plus, avec enfants ou petits-enfants qui leur font découvrir les lieux où sont venus leurs ancêtres. » 

Ces visiteurs apprécient les attentions : « Nous leur offrons un plan des champs de batailles de la Somme, toujours disponible à l’accueil, et un guide dédié de la région. Ils y sont très sensibles, on a l’impression qu’on leur donne une part de leur mémoire. Pour eux souvent, c’est comme si l’arrière-grand-père était mort hier. » Soit ils viennent avec des informations précises pour retrouver la tombe de leur ascendant, soit le camping les oriente vers une section dédiée de l’Historial de la Grande Guerre à Péronne, qui retrouve l’emplacement exact. 

Ayant elle-même une formation d’historienne, Marie-Laure du Plouy évoque sa propre mémoire familiale, avec deux aïeux qui ont connu l’enfer de la Grande Guerre, l’un gazé et revenu invalide, et l’autre dont le casque de poilu se transmet de génération en génération. Le Clos Cacheleux est membre comme seize autres campings de l’association Somme Battlefield’s Partners, créée il y a cinq ans « pour que la mémoire perdure avec le relais du tourisme ». Il est tôt pour mesurer l’effet du centenaire, mais début avril les réservations étaient supérieures de 10% à celles de 2013. 

Meuse : formation et labellisation 

Département parmi les plus meurtris avec la bataille de Verdun, la Meuse a accueilli en 2012, dans cinq sites de mémoire, 612 800 visites (des touristes pouvant aller dans plusieurs lieux), dont 58% par des Français, 10% d’Allemands, 10% de Néerlandais, 5% d’Anglais et 5% de Belges, nous indique le comité départemental du tourisme. L’hôtellerie de plein air du département représentait du 1er mai au 30 septembre 2013 un total de 65 423 nuitées. La précédente commémoration est celle des 90 ans de Verdun à l’ossuaire de Douaumont, à laquelle sont venus en juin 2006 le président Chirac et le prince Charles : « Les réservations ont été en hausse pendant plusieurs mois ensuite », se souvient Vincent Jacquot au CDT. « Cette année, en hôtellerie, les réservations de groupe sont déjà soutenues et des établissements étaient complets dès le début avril, ce qui est inhabituel. La diffusion de la série documentaire « Apocalypse, la Première Guerre mondiale, a eu un net impact.» 

Une labellisation par la charte Meuse Grande Guerre est en cours afin de « faire des ambassadeurs de la Grande Guerre pour les cinq années à venir ». Destinée aux prestataires locaux (offices de tourisme, hébergeurs…), elle inclut une journée technique avec cours d’histoire et visite des principaux sites. Chaque année, elle sera réitérée en suivant le calendrier du centenaire (les batailles et événements de 2015 seront détaillés l’an prochain par exemple). 

Une étude Protourisme, réalisée de juillet à septembre 2011 auprès de visiteurs de Verdun et de son champ de bataille, indiquait qu’ils séjournent en moyenne 4,3 nuits. 17,1% dormaient en camping, 12,7% en camping-car.

Un investissement sur le long terme

Les spécialistes du tourisme des régions liées aux événements historiques, s’accordent à penser que les commémorations ont un retentissement au-delà de l’année concernée.

Dans le Cotentin, où le souvenir du D-Day est ravivé cette année, L’Anse du Brick (4 étoiles à Maupertus-sur-Mer, Manche), membre des Castels, reçoit 50% d’Anglais, 20% d’Américains, 10% de Français, et autant de Canadiens et d’Allemands. Si ces clients se renseignent auprès des offices de tourisme avant le séjour, ils posent beaucoup de questions pendant. Jean-Michel Patrizi, en charge du marketing, note que « les campings ont un fort impact s’ils se situent à moins de 20 km d’un lieu historique. Pour un fait historique comme le Débarquement, l’impact dure une quinzaine de jours. Ensuite, cela devient un attrait qui permet d’animer le séjour et de promouvoir la destination. » 

Le camping diffuse l’information des sites de la région et fait de la billetterie. « Les années commémoratives impactent de 20% notre activité sur les périodes concernées », un chiffre étroitement lié à la proximité d’un lieu de mémoire. « En basse saison, un camping proche d’un événement peut remplir son établissement pendant une à deux semaines », remarque Jean-Michel Patrizi. 

Les sites autour de la Seconde Guerre mondiale abondent dans le département normand (musée Airborne de Sainte-Mère-Eglise, musée du Débarquement à Utah Beach). La Manche dispose ainsi d’une offre variée, en complément de la randonnée et de la nature dans les terres ou le long de ses falaises et des nombreuses évocations de la Cité de la Mer (visite du sous-marin nucléaire Le Redoutable, espace dédié au Titanic, etc.), qui jusqu’à fin septembre présente une exposition temporaire, « Cherbourg… Et la liberté vint de la mer ». 

HPA et camping-cars en tête dans le Calvados 

Les cérémonies organisées en juin auront leur effet dans le Calvados voisin, qui compte les plages les plus célèbres du Jour J. Joëlle Rohaut, présidente de la fédération régionale de l’hôtellerie de plein air de Normandie et vice-présidente de la FNHPA, le relève à deux niveaux: d’abord autour des commémorations, « tous ceux qui ont du locatif, même à une heure de route des sites comme Arromanches où viendront MM. Obama, Hollande, et les autres personnalités, sont quasi complets » depuis début avril, « très sollicités par tous les organismes de sécurité ». 

Et à plus long terme, elle prévoit que « les retombées seront positives en 2015 et 2016 », rappelant les précédents anniversaires décennaux, de 1984 à 2004 : « Les années qui les ont suivis étaient bonnes, il y avait eu une telle couverture mondiale, des reportages par toutes les télévisions de la planète, que ça a été une énorme publicité gratuite pour la Normandie. Ils ont donné une envie touristique. » 

L’étude menée de juin à septembre 2012 pour Atout France sur le tourisme de mémoire dans le Calvados estimait que cette thématique est à l’origine de 1,324 million de nuitées touristiques dans le département, dont 84% de nuitées marchandes. Le camping et les camping-cars représentent pour ces visiteurs le premier type d’hébergement (35%) devant les hôtels (28%).

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